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La variable connue

A minuit pile, un épais rideau noir   tomba  sur le quartier,  sans bruit,  plongeant dans les ténèbres  toute la rue et les paisibles habitations qui ,  au fil des heures, s’étaient éteintes à  la douce  lueur   des  réverbères.  A l’intérieur d’une longue bâtisse longue  et de faible hauteur faisant face aux demeures assoupies, de petites ampoules luisaient telles des bougies. La silhouette du veilleur de nuit se découpe dans un couloir illuminé. 

Il est élancé, ses épaules sont larges, ses bras sont longs.  Il  pousse la porte puis gagne la rue. Ses pas feutrés martèlent rapidement   l’obscurité profonde et silencieuse. Il dévale la rue   légèrement pentue, vire  à l’angle d’un bâtiment  adjacent  au bâtiment principal. A l’emplacement du parking la carrosserie d’une Twingo  se fond dans le noir. Un groupe de jeunes s’y est enfermé  tous feux éteints. L’homme élancé flaire flottant  dans l’air frais de ce mois d’octobre une odeur de marijuana. Quatre visages jeunes et  hébétés  apparaissent  soudain à la flamme d’un briquet, avant de retourner  aussitôt  dans la nuit de leur automobile,  maintenant trouée par des braises  rougeoyantes. L’homme avise la seconde automobile dissimulée au fond du parking; elle lui parait familière. La femme pianote sur les touches de son téléphone au moment où l’homme toque contre la vitre de sa voiture. Un visage dissimulé sous  un masque chirurgical  et bleuit  par la lumière du téléphone cellulaire se  tourne vers l’homme, lui offrant  des  yeux peuplés d’un assortiment  de verts irisés.

L’homme tourne les talons puis revient sur ses pas, sans se presser, tandis que la femme s’extirpe de son automobile. Il s’arrête à mi-chemin et attend. Les chaussures  de la femme percutent le sol avec un son mat, un son de  pieds bien calés dans des bottes solides faisant corps avec de  puissantes jambes, et faisant résonner le sol comme des fers de  chevaux  effrénés, des chevaux en troupeau au galop  produisant des  roulements du sol mêlés  aux pulsations cardiaques  de l’homme, des pulsations sur le moment âpres et sanglantes, pompant par à-coups dans les bourses de l’homme de puissants jets de chaleur  qui faisaient grossir son sexe. Il fixe la femme à travers des paupières plissées, des yeux  scrutateurs, des yeux farfouilleurs  au rayon X, des yeux semblables à des mains.

Elle marche dans l’ombre tête baissée, le corps un peu penché sur le côté   comme soumise à la poussée  d’un élément, d’une force, ou de l’hémiplégie d’un corps alourdi d’un côté plus que de l’autre par un grand sac, un sac de femme  pressée d’en découdre. Insensible à ses couches de vêtements  qui  enveloppent  la femme  telle une dragée, la bite du veilleur de nuit  désenfle. Arrivé sur le perron du bâtiment administratif   le couple se glisse  à l’intérieur du sombre corridor, par la porte d’entrée principale  que le veilleur de nuit  a pris soin d’écarter avec d’infinies précautions après l’avoir déverrouillée. Il  garde accroché à la ceinture de son pantalon  toutes les clés du site dont il a la garde. Le détecteur automatique de présence fait crépiter les  ampoules, révélant  le couple de noctambules  dans une lumière crue. L’homme et la femme s’engouffrent  à l’intérieur d’une pièce  contigüe au corridor. Celle-ci baigne   dans une demi-obscurité. Tapis dans l’ombre quelques chaises autour  d’une  immense  table ainsi qu’un canapé cuir  l’agrémentent.

Deux immenses baies vitrées parées de légers voilages sont ouvertes sur la rue, offrant au couple tout le confort  et l’intimité qu’il espérait après quelques rendez-vous clandestins  à profaner  le silence des forêts par des  grognements de jouissance, par des bruits de succions lubriques, par des cris de bête agonisante. Un sourire  lumineux vogue  dans les yeux et sur  le visage de la femme, un sourire sur le point  d’exploser en éclats et susceptibles de crever  l’abcès de ce gros rire   qui l’habite intérieurement et qui prend en dérision les obstacles,  les impatiences   qu’elle dû  franchir avant de se retrouver là, seule, captive consentante, dans cet  endroit sombre  et isolé  avec l’objet de ses fantasmes. Un sourire qui en dit plus long que la joie, plus long que l’excitation  et la satisfaction de voir ses désirs les plus profonds prendre vie.


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