Roman – Editions Cyrille
EDITION CYRILLE
6 Avenue NEIL ARMSTRONG
33692 – MERIGNAC CEDEX
Ce récit est une œuvre de pure fiction.
Toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.
Chapitre 11
La justice est clémente
Depuis trois mois, j’attends impatiemment ; et avec une appréhension grandissante, ce matin.
Ici ; les minutes paraissent des jours et les jours des années.
A chaque repas ; on me donne des pilules qui me vident la tête et m’empêchent de réfléchir.
J’ai trouvé le moyen de ne pas les avaler.
Les promenades sont limitées aux couloirs et au jardin ; où errent des fantômes, dépourvus d’humanité.
Patrick ; a été autorisé à me rendre visite une fois par semaine ; mais toujours en présence d’un cerbère en uniforme blanc.
Depuis mon placement judiciaire en hôpital psychiatrique ; j’ai reçu trois fois la visite de ma nouvelle avocate.
Pour la première fois, depuis si longtemps ; je suis habillée en femme, une veste caramel, pull et pantalon gris souris, et mocassins noirs.
Mon avocate m’a conseillée une tenue sobre ; difficile de faire plus triste.
Pourtant je suis contente ; je ne ressemble plus aux fantômes.
Un infirmier m’accompagne au bout du couloir ; là deux gendarmes me passent les menottes.
Je n’avais jamais ressenti le froid du métal autour de mes poignets et l’angoissante dépendance, d’être attachée.
Le fourgon traverse la ville rapidement ; usant de sa sirène à deux tons.
Mes gardes me font entrer en salle d’audience.
La salle est comble ; la presse régionale et nationale est venue en force ; espérant des détails croustillants.
Pourtant, je dois attendre.
Une affaire banale de rixe entre des gens du voyage et le propriétaire d’un bar occupe le tribunal durant la matinée.
L’attente fait monter mon appréhension.
Mon affaire est appelée.
Je dois me présenter à la barre.
Mon escorte me libère des menottes.
Le président lit un rappel des faits ; et notifie la procédure à mon encontre.
La partie civile réclame 80 000 euros de dommages et intérêts pour une arcade sourcilière éclatée et une paupière ouverte.
La loi prévoit un emprisonnement jusqu’à trois ans pour coups et blessures et 15000 euros d’amende.
Le président m’interroge ; au ton de sa voix ; je suis déjà condamnée.
Mon assurance tombe d’un coup.
Malgré la préparation de cette audience ; j’ai peur.
Avec morgue et suffisance ; le président me désigne par les mots : « Gérante d’un établissement de plaisirs »
Ce sale con avec sa tronche d’aéroport à mouches ; me fait un électrochoc. Non ; je ne suis pas tenancière de bordel !
Je trouve la force de contre-attaquer et d’appliquer la stratégie que nous avons définie avec mes soutiens.
Je reconnais mon acte de violence !
Je réfute formellement avoir prononcée une menace pendant l’exécution de l’acte malheureux.
Enfin j’assume de porter l’estocade.
Je clame avoir protégé Patrick d’un viol, en frappant son agresseur.
La salle se manifeste par un incroyable charivari.
Le président calme le tumulte.
Les journalistes se frottent les mains ; bien surpris de la tournure du procès.
Tous s’attendaient à me voir lapidée et sans voix devant la justice.
En suivant ; le président du tribunal interroge longtemps les deux experts psychiatriques.
Leurs avis divergent pour presque tout et ne s’accordent que sur deux points.
Pour eux je ne peux être déclarée irresponsable ; ma conscience du bien et du mal et mes capacités de compréhension étant établies ; par ailleurs ils affirment avoir décelée une nature manipulatrice et narcissique propre à des actes incontrôlés.
Mon avocate est satisfaite de la confirmation verbale des rapports.
La suite des débats est renvoyée au surlendemain.
Deux jours plus tard ; des catholiques intégristes manifestent aux grilles du tribunal ; en réaction aux manifestations féministes et LGBT qui se sont déroulées la veille devant les ambassades de France de Genève et Madrid.
J’ai vu grâce à mon avocate, la presse locale et la photo d’une banderole représentant 3 juges visages masqués avec le texte : « Complices de viol. Bientôt leurs noms ».
La peur du scandale change de camp.
Le président fait partie de ces magistrats qui sont la honte de la justice, forts contre les faibles et lâches devant les forts.
Je savais qu’Anne et Véronique avaient acceptées d’être mes soutiens même si elles désapprouvaient ma violence.
Je n’aurais jamais cru qu’elles s’impliquent à ce point.
L’audience reprend.
La partie civile nous expose les malheurs de Michelle ; au chômage depuis trois ans, les terribles douleurs de quatre points de sutures et la demande faramineuse de 80 000 euros de dommages et intérêts.
A son tour le substitut du procureur me présente comme le diable, l’incarnation de la débauche ; et réclame deux mois de prison et 15000 euros d’amende.
Mon avocate interroge Véronique à la barre ; l’interrogée ne dissimule pas les faits et elle affirme que Patrick était victime d’attouchements sexuels non consentis.
Véronique déclare que le consentement à un acte sexuel n’entraîne pas le consentement pour un autre acte sexuel.
Le Président commet l’erreur de l’interroger avec morgue et mépris.
Véronique ne se laisse pas impressionnée.
Elle est ici témoin et ne risque rien tant qu’elle n’outrage pas les magistrats.
Elle décrit la situation dans laquelle elle a été témoin des faits.
Volontairement ; elle déballe des détails pornographiques.
Le public siffle.
Le calme revenu ; sans se laisser manipuler par le président ; elle affirme avoir été témoin d’un viol ; Patrick n’étant pas consentant à des attouchements sexuels.
Elle n’hésite pas à commenter, qu’en Suisse on ne juge pas une personne à l’aune de sa sexualité.
Au final ; elle présente à la cour un titre d’expert judiciaire helvétique certes sans valeur en France ; mais qui donne à penser aux magistrats.
Le Président reçoit un double camouflet.
Mon avocate entame la plaidoirie.
Tout d’abord, elle prouve avec un dossier d’enquêteur privé que Michelle travaille tous les jours dans l’entreprise de l’homme qui l’accompagnait lors des faits.
L’effet pour la partie adverse est désastreux.
Puis elle plaide que la demande d’indemnités au titre du préjudice d’accès à un emploi est irrecevable.
Ensuite, les faits prouvent que Michelle a usé des circonstances pour des attouchements non consentis ; mon avocate oriente les juges sur ma volonté de mettre un terme à ces caresses.
C’est un débat sur le consentement et ses limites.
La stupeur est générale.
Le procès change de sens.
Dans la salle d’audience, c’est un incroyable vacarme.
Les délibérations durent moins d’une heure.
Le président annonce la sentence :
– Huit jours de prison avec sursis
– 2000 euros de dommages et intérêts
– 1000 euros d’amende
– ma condamnation aux dépens des frais de justice.
Mon placement judiciaire est levé.
Je suis libre. Ce n’est pas une victoire ; je ne comprends pas cette peine avec sursis.
Je quitte le tribunal libre et entourée de ceux qui se sont battus pour moi.
Patrick avait anticipé en réservant dans un restaurant de Toulouse.
Anne et Véronique nous rejoignent à table.
Quand nos discussions abordent mon procès les filles donnent un avis qui me choque.
Pour elles l’important est que je n’ai pas été jugée sur ma sexualité.
Je trouve ça incroyable !
Trois semaines plus tard ; je découvre que Patrick a inscrit sur mon compte courant de l’entreprise tous les frais de justice et ceux de mon avocat.
AH ! Le salaud !
Sans moi ; le domaine n’existerait pas !
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