auteur : Fabrice Martin
Le bouton rouge de mon téléphone clignote, la standardiste me regarde avec insistance, pressée de répondre aux autres appels entrants. Je décroche, elle m’annonce qu’une personne prénommée Fama souhaiterait me parler.
Je ne réponds pas tout de suite à sa question quand elle me demande si je veux prendre la communication. Je suis stressé. Je finis par accepter l’appel, puis opère un transfert dans un studio de production inoccupé à cette heure de la soirée.
Au bout du fil, une douce voix me félicite pour mon émission, qu’elle a écoutée dans son intégralité. Je la remercie, m’enquiers aussitôt de savoir si elle a passé une bonne nuit, ce qui paraît être le cas à la fraîcheur de sa voix. Son timbre est magnifique de gaieté, j’écoute son lyrisme avec l’envie de la rejoindre sur-le-champ.
Elle ne cesse de parler, des paroles débitées à la vitesse d’un cheval au galop. Mais quand elle marque un silence pour reprendre sa respiration, j’en profite pour lui proposer un tiercé gagnant. Premièrement, un rendez-vous dans un restaurant, une bonne table normande, deuxièmement un cocktail dans un nouveau bar branché de la ville.
Je lui laisserai cocher le troisième numéro, car se satisfaire d’un simple doublé gagnant est préférable à la perte de tous ses gains. Nous prenons rendez-vous samedi soir, 20h00, au numéro 11 de la rue des Renards. Ravie du programme, la belle accepte de s’échapper pour une échappée belle à mes côtés.
Je me sens comme chez moi au numéro 11 de la rue des Renards, il faut dire que cette adresse est celle de mon appartement.
Dans une ambiance de jazz, Fama est agréablement surprise du goût avec lequel j’ai préparé notre table. Il m’a suffi de mettre les petits plats d’un traiteur dans les grands pour obtenir le plus bel effet de ce menu présenté avec option séduction.
Mon invitée me fait remarquer, non sans ironie, que l’établissement est loin d’être complet ce soir. Je lui présente mes plus plates excuses, en lui expliquant que j’avais opté pour un lieu calme, à l’abri des regards indiscrets, que mon intention était d’éviter de faire passer une désagréable soirée aux éventuelles clientes qui auraient pâti de sa beauté.
Je la prie de venir prendre place dans une petite partie incurvée de la pièce principale, mon terrier comme j’aime le nommer, un lieu que j’ai pris soin de meubler d’un immense canapé rouge et d’une table basse en bois d’acajou.
La robe blanche de Fama, remontant jusqu’à ses genoux, me laisse tout loisir d’admirer ce corps en mouvement qui se détache gracieusement de la couleur dominante de mon sofa. L’éclairage met en valeur ses nombreux bracelets, qui scintillent à chaque oscillation de ses mains lorsqu’elle s’empare ou repose son verre de vin.
Je regarde ses lèvres épaisses encercler le bord du verre, imaginant le liquide gagner le fond de sa gorge. J’observe ses mains s’emparer des mets disposés sur la table quand elle prend délicatement du bout de ses doigts les toasts de mousse de canard au vieux cognac.
Je tente de deviner ses impressions quand elle hume les senteurs avant de faire disparaître ces petits canapés dans sa bouche. Je fantasme à la vue furtive de sa fine langue quand elle croque des amuse-bouche pour en goûter toutes les saveurs.
Tout en picorant les entremets, Fama se livre à quelques confidences. La belle immigrée pensait avoir trouvé l’amour dans les bras d’un voyageur extracteur d’or noir pompé dans les pays voisins du sien. Elle avait cru être ce diamant que les hommes recherchent pour s’enrichir de nouvelles cultures, mais elle s’ennuyait.
Elle était lassée de vivre les jours d’une même vie réglée comme du papier à musique jauni. Son rôle se cantonne à celui d’une femme au foyer dans lequel elle regarde disparaître les cendres d’un amour déjà consumé. Dans le silence qui s’installe, je vois les eaux salées du lac Retba perler de ses yeux embrumés.
De mes doigts, je cherche à tarir la source de cette tristesse, puis de mes lèvres, j’ose goûter le sel de sa vie, celui-là même qui nous unira pour toute la nuit.
Cet extrait du roman « impudeurs et confidences » de Fabrice Martin vous plait ?
Fama fait disparaître le noir de ses yeux qui coulait le long de ses joues. Son reflet dans mon miroir triptyque multipliant le nombre de ses bras, ma princesse se métamorphose en cette déesse que l’on nomme Shiva.
Du haut de mon solarium, j’épie chacun de ses gestes pendant que je prépare deux autres verres de rhum, que nous boirons sur le banc de mon jardin exotique. Ses yeux se ferment et son sourire revient quand elle entend les premières notes d’un morceau de jazz, venu du pays de la Teranga. Son rythme entêtant entraîne ma belle Sénégalaise dans une danse érotique, réveillant en elle les trésors culturels de son Afrique natale.
Admirant toute la sensualité de son corps qui s’exprime au travers de son art ancestral, l’indomptée m’apparaît dans le tourbillon d’un nuage de poussière, survolant le sable brûlant d’une Plaza de toro. Elle chasse d’un violent coup de pied les tourments de son existence, puis entonne des chants wolofs, accompagnée de milliers de griots.
Cloué au piquet, je la laisse me chanter son histoire, rêve qu’elle me parchemine le corps de sa salive incendiaire. La sirène glisserait du bas de mes pectoraux jusqu’au haut de mon nombril puis se redresserait à temps, fière d’avoir laissé sur ma peau une empreinte de sa langue maternelle, de m’avoir instruit de ses contes oraux.
L’instrumental entame déjà ses derniers accords et, sous l’effet de la chaleur, Fama est en sueur. Je la regarde me rejoindre, s’élever en gravissant les marches de mon escalier.
Dans mon solarium silencieux, seul se fait entendre le doux glissement de sa robe blanche sur sa peau ruisselante. Quelques gouttes de rhum débordent de mon verre. Répandant son doux parfum venu du mystique continent africain, ma belle ballerine transforme le haut de ses dessous en de solides lanières de satin.
Passif, je me laisse menotter, car je veux être son jeune qui lui donnera de quoi se rassasier. Ma féline me piège en me bandant les yeux de sa robe blanche. Je ne la vois pas me mordiller les lèvres pour me tatouer les marques de ses dents sur ma peau de jeune zèbre. Elle pénètre ma bouche de ses doigts, pratique des va-et-vient sur mes gencives, sur ma langue.
Ligoté sur le banc de mon jardin, je simule une morsure pour me défendre, mais je reçois pour réponse à mon intrépide rébellion deux ou trois coups de griffe dans le cou. Un cri résonne dans la ruelle de ma savane urbanisée quand la chasseuse, prise d’un rugissement tonitruant, glisse sa main dans mes cheveux pour me tirer la tête en arrière.
- Ceci n’est qu’un jeu, petit homme, se moque-t-elle.
- Je le sais, répondis-je en mentant crânement.
Je ne veux pas lui avouer que je suis vierge de toute domination féminine, je veux qu’elle agisse comme bon lui semble, qu’elle soit libre. Je veux apprendre le jeu de la soumission consentie, cette expérience est excitante pour moi et mon défi est de la duper en lui dissimulant le puceau que je suis dans un rôle de passif.
- Bonsoir Maître, je vous remercie d’être venu.
- À qui parle-t-elle ?
- Il saura être à la hauteur, j’en suis sûre.
Pris de panique, je comprends qu’une tierce personne vient de s’introduire chez moi. Mon sang se glace. Qui est cet intrus dont je ne parviens pas à détecter la présence ?
Terrorisé, je tente de me libérer de mes liens pendant que Fama continue de converser avec cet inconnu qui est entré chez moi sans mon consentement. Je gesticule, bande mes muscles, mais reste prisonnier des liens qui enserrent mes mains, ceinturent mon torse.
J’essaie de me retourner pour voir qui me menacerait de torture, mais cela ne sert à rien, car je suis aveuglé par la robe blanche dont je suis recouvert.
- Libère-moi de cette putain de robe, crié-je.
- Mais bien sûr, petit homme.
D’un geste ample, Fama me dégage les yeux en laissant tomber son léger vêtement. Je tourne la tête dans tous les sens, cherche un être de chair et sang, mais nous ne sommes que deux dans mon solarium.
- Mon messager, être de lumière invisible aux yeux de pauvres seigneurs, prisonniers dans les tours de leurs solariums, me charge de t’initier à la soumission. Tu as beaucoup de chance car tu vas bénéficier de cet enseignement.
Jolie garce, tu m’as dupé en jouant ton personnage. Mais j’arrive belle comédienne, j’enfile immédiatement mon costume et je déboule sur cette scène qui est la tienne.
- Petit obsédé, il me suffit d’enserrer tes veines pour te faire bander. Cette chose entre tes jambes est à présent la mienne, elle ne t’appartient plus jusqu’à ce que je la rende flasque. Sache que ton temps ne sera que souffrance, que je déjouerai ta jouissance en te garrottant les bourses. Je martyriserai ton plaisir, torturerai ta virilité et tu ne tireras ton coup de semence que lorsque j’en aurai fini avec toutes ces hostilités. Tu es un jouet à ma merci, un homme-objet dont je me servirai pour jouir.
J’admire avec quelle conviction elle me lance ces mots en pleine face. Je suis assez fou, fou amoureux pour la croire, pour laisser cette femme jouer de mon corps prisonnier sur le banc de mon solarium. Je lui souris en la fixant droit dans les yeux.
Fama, cherchant à me décontenancer, retire d’un grand coup sec sa robe blanche, négligemment jetée sur mon entrejambe. Je lui dévoile alors la raison de ma satisfaction, en exhibant avec insolence mon arc qui n’a cessé de se raidir, de bander, tout au long de son allocution.
Quand elle se saisit de ma liane tendue au travers de mon boxer, l’homme de radio que je suis n’est plus capable d’émettre que des sons brouillés, sur la fréquence de son pylône que l’on vient d’incendier. S’esclaffant devant mes tortillements maniérés, ma maîtresse me libère de mes menottes.
Je dois accepter sans broncher une fouille complète de mes sous-vêtements, je ne suis autorisé qu’à regarder ses mains s’agiter autour de mon sexe. Tandis que ma fouilleuse se régale de ses trouvailles, elle exige le silence pour que rien ne vienne déranger ses prospections.
Mais sachant le terrain miné, que la bombe à tout moment dans ses mains peut exploser, mon archéologue cesse ses familiarités pour m’ordonner de me désaper devant elle. Durant cette garde à vit imposée, elle me détaille de la tête aux pieds, prend le temps de m’ausculter, s’approche de ma peau, s’attarde sur les parties pileuses de mon corps exposé sans pudeur.
Puis l’index de ma visiteuse dessine un cercle imaginaire dans les airs, m’indiquant de faire une volte-face pour lui présenter ma chute de reins.
- Humm, un cambrement si rare chez un homme se doit d’être honoré par de petites claques qui rougiront ce petit cul bien rond, m’affirme Fama d’un ton gourmand.
Elle admire les volumes en silence, me menace d’une sévère punition si j’ai l’outrecuidance de me retourner, car Madame, occupée à me pincer gentiment les fesses, laisse présager de ce qui va advenir de moi quand elle décidera de se distraire d’une façon que je n’imagine pas.
La féline poursuit son jeu en m’offrant un des deux verres de rhum que j’avais laissés sur la table de mon solarium. En écrasant ses seins volumineux contre mon dos ruisselant, la raideur de mon sexe se conjugue avec la douceur de ses tétons qui, par leurs frôlements incessants, laissent échapper quelques perles brillantes de mon gland décalotté.
La femme à la peau d’ébène entreprend de stopper tout écoulement de ma sève en apposant sur mon torse le verre ruisselant de gouttelettes glaciales. Satisfaite de l’effet produit sur ma libido, elle continue de faire rouler le récipient sur le reste de mon corps.
Atteignant mon nombril, je pousse un cri quand, un peu plus bas encore, Fama plonge mes bourses au fond de l’alcool mélangé aux glaçons. Je me tords de douleur, prends en main ma virilité torturée, mais jure secrètement que sa gorge deviendra prochainement la récipiendaire de mes deux boules décongelées.
Tapie dans ses fantasmes, proche du jacuzzi installé dans l’angle de ma terrasse, la femme de l’ombre m’invite au bord du bassin pour venir étancher ma soif, tel un équidé qui aurait besoin de se désaltérer après un dur combat.
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