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La prophétie du futur

Black_bas_rouge

Black_bas_rougeLe tunnel, une éclair aussi puissant que bref, un souffle violent, puis un choc. Quelques secondes, et le temps semble suspendre son vol puis, une énorme bourrade dans le dos et je m’écrase contre le mur avant de chuter lourdement sur le sol. Quelqu’un empoigne ma tignasse et tire en arrière, à m’en faire craquer les vertèbres et ensuite, un pied qui écrase mon visage sur le sol poussiéreux avant de relâcher sa prise.Je me relève mollement, les jambes encore en guimauve et tourne la tête afin de voir qui vient de me mettre ainsi au tapis. Le soleil bleu, éblouissant, blesse de ses dards mes yeux clairs. J’ai du mal à discerner mon agresseur. Avant que les rayons n’aient raison d’eux, je projette contre mon front ma main droite afin de m’en protéger et de l’apercevoir enfin. Une sculpturale femme noire, magnifique, au regard indéfinissable . Elle doit bien mesurer 1m 85. Sa plastique parfaite, à la musculature féline, accroche immédiatement mon regard. Et ce, je dois l’avouer, bien avant même de savoir où je suis, qui je suis et quand je suis.

Après mon voyage au XVII ième siècle, me voilà propulsée une fois de plus dans un monde et à une époque inconnus..Mais quelques secondes me suffisent pour comprendre où je me trouve. Enfin, je crois. Autour de moi, des murs en acier d’une hauteur vertigineuse. Juste au-dessus de ma tête , j’aperçois le vide spatial qu’ un bouclier magnétique verdâtre sépare du complexe carcéral où je viens d’atterrir avec fracas. A l’extérieur, le noir profond de l’espace, le zéro absolu et ce soleil bleu qui libère une lumière aussi froide que le vide incommensurable qui l’entoure.

Un autre coup, plus puissant encore atteint mon flanc droit et me coupe le souffle. La douleur est immédiatement insupportable, j’ai du mal à respirer, je me recroqueville instinctivement, mes bras repliés en croix sur les côte. Alors que je récupère laborieusement de ce coup , un pied vient se placer sur ma trachée artère et commence à appuyer dangereusement. Le souffle me manque rapidement, et très vite, des gargouillis sinistres s’échappent avec douleur du fond de ma gorge. Je dois absolument réagir si je ne veux pas que ma mission dans les couloirs du temps s’achève au fond de cette prison miteuse à des années lumières de mon point de départ.

Si je n’agis pas immédiatement, mon corps flottera d’ici ce soir dans cet immense cimetière qu’est devenu l’espace intersidéral et nourrira le premier trou noir qu’il rencontrera. Je n’ai pas le choix, pas le temps de réfléchir, je dois agir. Je n’ai même pas le loisir de me demander si je ferai le poids contre cette enragée qui est en train de m’achever.

Pliant comme le roseau je pivote alors ma tête sur le côté, feignant l’évanouissement et à peine la femme noire commence-t-elle à relâcher sa pression que je me saisis de son pied et le vrille énergiquement sur le côté, avec violence. Habituellement, cette clé provoque systématiquement une luxation du genou et stoppe net l’assaut de mes assaillants, mais dans ce cas ci, je dois m’estimer heureuse d’entraîner un mouvement de surprise et un léger déséquilibre. Néanmoins, cela me suffit amplement pour finir de la déstabiliser et emplir enfin d’air mes poumons prêts à imploser. Tout en me levant, je continue de vriller sa jambe . Voir cette femme au sol, se tordant à son tour de douleur me remplit de satisfaction. En fait, je n’aurais jamais imaginé pouvoir arriver à un tel exploit du haut de mon mètre cinquante neuf face à une telle créature.

« Alors, Hundra, t’es-tu fixé l’objectif de toutes les massacrer avant qu’elles aient pu tenter leur chance ? Je sais que tu veux la tête de Drakkor mais quand même…»

Puis, s’adressant à moi :

« Désolée chère inconnue. C’est la loi. Il faut que chaque nouvelle arrivante en passe par elle.

  • Tout le monde a-t-il droit à cet accueil musclé ?
  • Sans exception.
  • A combien se lève le taux de survie  ?
  • Il est de 35 %, à la première étape. Et tu en fais partie puisque tu viens de survivre. On peut te considérer comme une élue.
  • Drôle de façon d’accueillir une élue ! dis-je en raclant ma gorge. Il existe des manières bien plus affables de s’y prendre ! Cette femme a failli me broyer le larynx.
  • Il en a toujours été ainsi.
  • Que..
  • Tu n’es pas la première et certainement pas la dernière à te prétendre l’élue.
  • Ne fais pas cette tête..Tu arrives ici, et tu ignores pourquoi ?.
  • J’avoue que oui. En fait, j’ai été blessée et frappée d’amnésie dis-je en prononçant ces paroles absurdes qui ne convaincront personne.
  • Soit l’amnésique !.Si tu le prends ainsi ! De toute façon, tu n’as plus le choix. Alors, laisse moi rafraîchir ta mémoire. Ici, nous sommes toutes des renégates car nous nous sommes rebellées contre l’ infâme Drakkor, le souverain de l’empire des cinq dimensions. Ce tyran asservit tout l’univers connu et cherche à s’emparer de toutes les autres dimensions. S’il y parvient, je ne donne plus cher de la vie.
  • Quel rapport avec moi..et puis les autres ?
  • J’y viens. En fait, tu viens de passer un test et Hundra est la seule à juger si tu es l’élue.
  • Je ne comprends pas…
  • Drakkor sait qu’elle est la seule capable de le plonger dans l’anéantissement total. Tu l’as devant toi, non, pas moi,elle, Hundra, l’ adversaire à qui tu viens de faire mordre la poussière. Elle est l’accès aux autres dimensions. Sans elle, il ne pourra mener à bien ses sinistres desseins. Il envoie inlassablement des femmes qui se font passer pour des insurgées afin d’obtenir d’elle la clé dimensionnelle.
  • Pourquoi cet accueil ?
  • Il en est ainsi. L’élue est sensée être une excellente combattante. Et elle doit se montrer à la hauteur face à Hundra. Tu as passé la première étape, ça ne veut pas dire pour autant que tu m’as convaincue. Tu peux très bien être une envoyée de Drakkor. Tu devras te soumettre au second test. Ce n’est pas un secret. Si tu refuses, tu meurs, si tu échoues, tu meurs aussi. Si tu réussis, tu empêcheras alors Drakkor de continuer dans sa folie dévastatrice et tu te rendras maître de toutes les autres dimensions où tu pourras t’emparer de l’ultime pouvoir qui le mènera à l’échec.
  • Mais, pourquoi ce pénitencier ?
  • Ce n’en est plus un depuis plus de trois siècles. Il s’agit en fait d’un repaire, parmi tant d’autres, où nous attendons la venue de celle qui écrasera Drakkor. Le bouclier magnétique et les murs en zarkium nous permettent une protection totale contre les assauts qu’il pourrait déclencher en venant s’emparer de Hundra. Mais il ne peut se permettre une offensive massive car il pourrait attenter à la vie de Hundra et il perdrait toute possibilité d’étendre à jamais son noir empire. Ce bouclier est avant tout notre unique chance de survie dans ce milieu hostile.
  • En quoi Hundra est-elle la clé dimensionnelle ?
  • Elle est un réceptacle dans lequel a placé en elle Vagor, la clé de la porte des dimensions. Qui s’en empare, s’empare de la victoire absolue, et par là même, de la vie.
  • Comment l’ouvrir cette porte ?
  • Nous connaissons le rite, nous appliquons les pratiques des écrits. Toutes avant toi ont essayé. Elles ont pratiqué mais ont toutes péri. Nous en ignorons la raison. La porte refuse de s’ouvrir et à chaque fois l’échec se solde par une condamnation à mort. Ainsi l’a voulu Vagor.
  • Diantre, est-ce si effrayant que cela ?
  • Chaque venue ignore que l’expérience requiert des connaissances bien antérieures au grand chaos. Les grimoires parlent de pratiques charnelles disparues depuis et du plaisir physique qui en découle.. Seule celle qui aura voyagé par delà le temps et l’espace, venue d’une planète inconnue sur la carte des étoiles aura la faculté de faire s’ouvrir le vortex dimensionnel… »

Je reste interdite quelques instants mais mon cerveau, lui bouillonne. Comment est-il possible que des êtres si évolués ignorent le contact charnel ? Comment ont-ils pu en arriver là ? Mon esprit incrédule fonctionne à plein régime : L’avenir du futur dépend donc seulement d’un simple rapport charnel avec cette redoutable guerrière, d’une partie de jambes en l’air dont la pratique s’est perdue dans leur nuit des temps ? Les bras m’en tombent, mais c’est pourtant tout ce qu’il y a de plus réel : emmener cette tigresse au plaisir pour résoudre ce conflit universel et rétablir le bien dans ce futur aux rites étranges.

« Tu as l’air bien songeuse…mais pas du tout effrayée..Tu es différente. Pourquoi ? » Léger sourire aux lèvres, je réponds.

  • Effectivement, je le suis. Bien plus que tu le crois..
  • Je te trouve bien suffisante. Pourtant, tes paroles et ton regard semblent sincères. Préserves-tu en toi un secret bien enfoui ?
  • Ce n’en est pas un. Je t’ai menti..enfin, pas tout à fait.
  • Explique toi..
  • J’arrive de ton passé par un vortex spacio-temporel. Jusqu’à il y a quelques instants, j’ignorais encore ma mission, mais tu viens de me la révéler. J’ignore d’ailleurs à chaque fois le but de chacune d’entre elles et dois la découvrir au moment.
  • D’où viens-tu ?
  • La Terre. Elle est la troisième planète d’un système solaire qui en compte neuf. La voie lactée plus précisément.
  • Ce système m’est inconnu. Et tu dis voyager par un vortex spatio-temporel?, c’est révolu, plutôt archaïque. Vous n’avez donc pas encore appris à plier l’univers sur ta planète?
  • Je te répète, je viens de ton passé. Replier l’espace semble un bon moyen de voyager sans se déplacer mais je ne vois pas en quoi il permet de voyager dans le temps, ce que permet mon vortex qui te paraît si primitif et qui pourtant est essentiel pour accomplir ton rite.
  • Personne avant toi n’a eu l’outrecuidance d’user de la prophétie annoncée par Vagor alors qu’elle vient de lui être révélée. C’est plutôt original et fort osé. Mais cela ne change en rien l’état des choses. Tu devras de toute façon te soumettre au rite.
  • Peu importe ce que tu penses de moi, que tu me crois ou non. Je viens accomplir ma mission et la mènerai à bien pour assurer ton futur. A tout prendre, je me demande finalement qui est le plus primitif de nos deux mondes..Je ne sais pas plier l’espace, mais je sais au moins faire l’amour…
  • Tu es bien présomptueuse..
  • Pourquoi tant de méfiance tout d’un coup ? Doutes-tu à présent de la prophétie de Vagor alors qu’elle est peut-être sur le point de se réaliser ? Trembles-tu devant l’issue qui s’annonce ? C’est pourtant ce que tu souhaites non ?
  • Oui, tel est mon désir..Quant au reste, il ne regarde que moi à présent. Sache simplement que je n’ai aucune haine contre toi et que je souhaite ardemment que tu sois l’élue… »répond la grande prêtresse, en baissant les yeux. Puis s’adressant à son entourage :

«  Que l’on prépare ces deux femmes pour le rite. Lavez les, purifiez les. Inconnue, avant cela, tu peux te restaurer si tu en éprouves le besoin. Le rite aura lieu cette nuit, repose toi.»

Alors que j’emboîte le pas de trois d’entre elles, la grande prêtresse me fait signe de m’arrêter et se rapproche de moi avant de s’adresser à nouveau à moi à voix basse, fort troublée, le visage grave :

«  Inconnue,tu viens de me faire comprendre qu’au fond de mon cœur tourmenté résidait un sentiment inconnu dont j’ignorais l’existence jusqu’alors. Je sais que tu réussiras, car avant toi, je n’ai jamais ressenti telle chose : le tourment de voir partir celle que l’on protège, celle que l’on mène au sacrifice pour la survie de la vie, de la liberté, du bien contre le mal. Celle dont la présence me fera cruellement défaut quand le rite sera accompli, celle que je ne verrai plus évoluer chaque jour à mes côtés…Dis moi, je sens que tu détiens la réponse..Quel est ce sentiment ?

  • Ce sentiment que tu viens de redécouvrir s’appelle l’amour. Un sentiment enraciné au plus profond de tout un chacun qui existe depuis la nuit des temps et que vous avez fait disparaître au profit d’une civilisation à la technologie pointue. En agissant ainsi, vous avez renié l’essence même de la vie, vous êtes passés à côté de l’essentiel de l’ existence, ce sentiment noble qui invite deux êtres à s’unir dans la chair et dans l’âme. Tu es amoureuse de Hundra Grande Prêtresse. »

Ma réponse la laisse profondément songeuse. Ma venue ici, en cette époque vient enrayer un mécanisme plusieurs fois millénaires. Vagor, du fond des âges, dans sa sagesse infinie et sa grande clairvoyance a prévu ce qui arrive. C’est par l’avènement de l’amour que se rétablira le bien de cette humanité si semblable à la mienne. Est-elle notre futur ? Quantum m’a-t-elle envoyée ici, non seulement pour anéantir le mal, mais encore pour que je fasse en sorte, dans ce qu’est leur passé, que l’essence de la vie soit préservée coûte que coûte ?

Quoiqu’il en soit, il n’est plus question de philosopher. Me voilà investie d’une mission qui va, finalement, bien au delà de la victoire sur un tyran, mais aussi, qui consiste à garder en chacun d’entre nous ce pourquoi où grâce à quoi nous sommes, pour les générations passées, présentes et futures.

Qui est Vagor ? Un Dieu ? Un roi ? Une mythe ? Je ne le saurai probablement jamais mais une prophétie qui ressemble à beaucoup d’autres en tout cas.

Je suis à présent les trois admirables créatures jusqu’à..je regarde autour de moi…rien. Mis à part le zirkium qui nous entoure, la poussière et les fragments de quartz, je n’aperçois pas la moindre habitation, ou, tout du moins,ce qui peut y ressembler. J’ai beau fouiller l’horizon du regard, je n’aperçois strictement rien… Même pas le moindre aéronef susceptible de nous transporter dans un endroit, plus loin, sur l’horizon où pourrait être la vie. Durant le court trajet, je reste quelque peu en arrière, posant mon regard partout jusqu’à ce que mes trois ravissantes compagnes cessent leur marche et se retournent à mon endroit avec un sourire qui se veut rassurant et amical. L’une d’elle tend vers ma personne un bras m’invitant à les suivre. Elles se mettent toutes trois en file indienne, je suis en avant dernière position. Mais face à quoi si ce n’est le vide désertique qui s’étale devant nous à perte de vue et deux quartz géants violacés, comme il y en a partout ici, mais en taille plus modeste. Chacune de nous est invitée à placer sa main sur l’épaule de celle qui la précède, la première mettant ses bras en croix sur sa poitrine. Une certaine angoisse me saisit soudainement quand je vois mes deux premières compagnes s’évanouir entre les cristaux sous mes yeux incrédules.

Sentant un petit moment d’hésitation dans ma progression, la troisième accompagnante me sourit, confiante et me pousse à les suivre sans crainte. Pas le temps de me poser la moindre question. Je vois alors mon corps se dissoudre en millions de particules aspirées à la vitesse de la lumière. Etrange comme sensation. Qu’il est bizarre de voir partir son corps en fragments infinitésimaux tout en restant une entité à part entière. Je comprends alors que je suis en état de bilocation, en téléportation que je qualifierais de biomécanique. Pas d’acouphènes, pas de bruit, pas de lumière blessante, pas de heurt, pas de douleur..Non, rien de tout ce que j’éprouve à chaque passage dans le vortex spatio-temporel, où je reste dans mon corps biologique tout le trajet durant, ne faisant que franchir les portes du temps ouvertes à grand renfort de technologie et de nucléaire, le zéro absolu n’ayant jamais pu être recrée artificiellement. Ici, juste le passage entre les deux quartz, juste ce petit bruissement, le temps d’un battement de cœur, le temps d’un souffle.

Souffle que je retiens face au spectacle qui s’offre alors à mes yeux, magique, féerique digne de Jules Verne dans son « voyage au centre de la Terre ». D’ailleurs, il me semble bien y être, au centre de la terre. Le décor est le même que dans son livre : une immense caverne d’où je sors après ma bilocation et dont la hauteur se devine aux nimbes que j’aperçois au dessus de ma tête. Juste derrière moi, la sortie de la fameuse caverne, devant moi, une vallée verdoyante, à la nature luxuriante. Des arbres inconnus aux feuillages aussi généreux qu’étranges, mélanges de baobabs et d’ormes, ou bien de chênes et de saules pleureurs. Mes pieds se mettent alors à fouler une herbe riche et grasse où des animaux que je ne connais pas paissent en toute quiétude. Une nuée de volatiles ou insectes -je ne saurais trop dire-, aux teintes harmonieusement irisées, s’approche de notre groupuscule dans un tourbillon dansant et léger. Un sifflement subtil accompagne leur danse colorée et leur folle farandole avant de disparaître aussi discret qu’il est arrivé.

« As-tu faim Inconnue ? M’entends-je dire..

  • Un peu…Hundra n’est pas avec nous ?
  • Elle est déjà prête. Il lui suffit de penser pour être .
  • Comment ça ?
  • As-tu remarqué le cristal sur son front ?
  • Non, pas vraiment. Par contre, je me souviens qu’elle se bat admirablement et que ses coups portent bien ! Dis-je avec une pointe d’humour. Elle m’attend ?
  • Oui, mais tu as tout ton temps. Tu peux profiter de notre hospitalité jusqu’à ce que le soleil se soit uni à l’ombre de la falaise. Nous sommes ici pour t’accompagner et te servir jusqu’au moment du rite.
  • Je quitte un endroit inhospitalier pour me retrouver dans un endroit luxuriant et très accueillant..Comment se fait-il ? L’espace s’est-il replié ?
  • Non, c’est la magie des quartz. Il y en a partout ici. Nous ne pourrions survivre à l’extérieur bien longtemps, sans eau et nourriture..
  • J’ai soif et je n’ai remarqué aucun point d’eau ici.
  • Mais si, il y en a partout, tout autour de toi »! Répondent-elles en cœur et un large sourire aux lèvres.

J’ai beau regarder, scruter, étudier mon environnement, pas l’ombre d’une source dans cet endroit pourtant si riche.

 

«  Regarde !» dit l’une d’elles avant de se diriger vers un quartz de taille assez conséquente. Joignant le geste à la parole, elle appose la paume de ses mains sur la paroi cristalline qui semble fondre avec la chaleur de sa peau avant de laisser s’échapper un liquide dans le creux de ses mains qu’elle boit avec délectation. Les éléments prennent décidément de drôles d’apparences sur cette planète. J’imite dans la foulée les gestes de la jeune femme et aussitôt, je peux à loisir, me rassasier d’une eau délicieuse, pure et fraîche.

Nous continuons notre chemin sur un sentier au milieu d’une végétation abondante avant d’arriver, quelques minutes plus tard à un regroupement de maisonnées aux façades blanchies à la chaud. Etonnant contraste avec ce que j’ai pu voir plus haut ; il semble ici, que la technologie n’a pas sa place.

Je me rends compte, bien vite, une fois rentrée dans uns de ces abris de fortune, qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Tout un équipement ultramoderne habille l’intérieur de l’habitation, des appareils qui me sont totalement inconnus et dont, j’ignore, par conséquent la raison d’être et l’ utilisation.

« Connaissiez-vous l’existence de ce monde souterrain quand vous êtes venues vous réfugier dans cet ancien pénitencier ?

  • Absolument pas.
  • Comment avez-vous trouvé cette porte alors ?
  • Nous savions d’après les anciens écrits qu’une vie était possible sur cette planète et nous commencions à désespérer de la trouver jusqu’au jour où un lashkkah s’est égaré à la surface. Nous étions alors ici depuis des mois et nos rations de survie étaient épuisées depuis quelques jours. Affamées, nous avons donc suivi cet animal dans le but de nous en restaurer bien évidement jusqu’à ce qu’on l’ai vu disparaître entre les deux cristaux, ceux-là même où tu es passée pour parvenir jusqu’ici.
  • Je vois que Vagor a bien fait les choses.
  • En espérant que c’est bien toi cette fois-ci. La grande prêtresse en semble convaincue. Tu es différente et tu ressembles à tout point à celle que les écrits annoncent.
  • Je ne suis pas le messie, mais j’espère être celle que vous espérez pour vous aider à retrouver une vie paisible et un passé enfoui au plus profond de vous. »

Je ne saurais dire combien dure une journée ici, sans soleil pour me repérer. Il y a tellement de choses que j’aimerais connaître. La lumière du jour n’existe pas dans les entrailles de cette terre étrange. Alors, d’où provient celle-ci ? J’apprends très vite que les parois de l’incommensurable grotte qui abrite ces lieux a la propriété d’émettre un rayonnement phosphorescent assez puissant permettant une constante lueur et une photosynthèse optimale.

« N’as-tu pas faim ? Me demande la flamboyante Amya ?

  • Si, mais je vois que rien n’est prêt, donc, je patienterai..
  • Mais tu peux te restaurer autant de fois que tu le désires et à tout moment !
  • Ne me dites pas que…
  • Si..quand tu as soif, il suffit que tu le penses pour que le cristal se transforme en eau.
  • Et donc, si j’ai faim, le cristal se transforme en nourriture ?
  • Oui, mais la nourriture n’aura pas l’apparence qu’on lui connaît. Le cristal restera tel quel mais prendra la consistance et la saveur de ce que tu veux qu’il soit.
  • Si mes copines voyaient ça… Votre pénitencier souffrirait de la crise du logement et vos verts pâturages seraient envahies de milliers d’oisives !
  • Quel est ton prénom Inconnue ? Me demande la brune.
  • Nelhya. Dis-je .
  • Nelhya, restaure toi si tu le désires. L’heure approche, le jour décline il va te falloir te préparer. »

Une question se pose à moi..Plusieurs à vrai dire. La prêtresse a parlé de coucher de soleil. Première question : comment peut-il faire jour dans une grotte sans soleil ? Seconde question : comment la lueur sous terre peut-elle s’éteindre alors que les rochers eux-mêmes la produisent ?

Lisant la curiosité sur mon visage, l’une de mes compagnes me répond avant que j’ai le temps de formuler quoique ce soit.

« Les parois rocheuses restituent la lumière de la surface par un procédé que nous n’avons pas encore réussi à expliquer. Nous savons seulement que la lumière en surface parvient jusque dans les profondeurs de la grotte et qu’avec la rotation de la planète, elle agit comme un soleil en surface. Ici le système solaire est composé de 3 soleils et 21 planètes. 9 gravitent autour de Hexa, 5 autour de Boria et enfin, 7 autour de Verxo. Du moins c’est ce que nous croyions au début mais en fait, les trois systèmes sont étroitement imbriqués l’un dans l’autre et le ballet des planètes sensées graviter autour d’un soleil unique, change d’orbite suivant un cycle bien défini. Par exemple, la planète Orynia, a changé sa trajectoire il y a à peine quelques mois. Avant de graviter autour de Hexa, elle accomplissait son ellipse autour de Verxo. Depuis, la clarté dans la grotte est passée à l’orange rosé. Il en est de même pour les 20 autres planètes. Chaque changement d’ellipse provoque sur chaque astre des changements significatifs sur la nature et le climat. Par exemple, tu es arrivée ici après le changement de cycle de Pott partie accomplir sa révolution autour de Boria qui avait alors des allures paradisiaques. Cependant, ces conditions exécrables sont pourtant idéales à la formation des cristaux violets nécessaires à notre survie.

  • Dans c cas, je ne serai pas la première à m’en plaindre !
  • Toi qui a traversé le vortex spatio-temporel, tu as peut-être la réponse.
  • Hélas, non. Je suis dépassée cette fois-ci. Je connais mon passé mais je n’ai pas le don de clairvoyance, encore moins pour un monde qui m’est complètement étranger. Je ne sais pas comment on plie l’espace, je ne comprends pas le pourquoi et le comment de vos trois soleils. Il y a ici autant de mystères à élucider que tous les mystères de l’histoire de l’astronomie, de l’astrophysique et de la physique réunies !
  • Et chaque mystère élucidé ouvre la porte à des dizaines d’autres.
  • Tout à fait. Mais sans aucun mystère, la vie, sous toute forme qu’elle soit n’aurait plus d’intérêt. A voir votre niveau de connaissance, nous autres, Terriens, avons encore un travail titanesque à accomplir.  »

Je suis tellement absorbée par les explications de mes amies et mes pensées, que je ne remarque pas immédiatement la foule qui s’agglutine peu à peu sur notre passage. Dans le regard de chacune, je lis un immense espoir, mais aussi, la crainte d’un nouvel échec. Des frissons me parcourent l’échine. Je me rends compte encore plus de l’énorme responsabilité qui pèse sur mes frêles épaules. Si je n’étais pas l’élue ? D’énormes doutes m’envahissent alors. Si je m’étais trompée ? Je ne suis pas la seule à parcourir le continuum espace-temps…Certes, mais je suis l’unique lesbienne, et ici, je n’ai vu que des femmes. Quoi qu’il en soit, je ne peux plus faire machine arrière et savoir que ma présence ici n’est pas un hasard me rassure quelque peu.

Après quelques centaines de mètres qui me paraissent des années lumière, nous arrivons alors devant une tente immense dressée pour le rite..serait-ce un blasphème si je surnommais cette tente, la tente du rendez-vous ?

Un silence assourdissant pèse tel un étau invisible lorsque dans un crissement à peine perceptible, nous entrons dans la place où m’attend la préparation au rite. A l’intérieur, une dizaine de jeunes femmes aussi belles les unes que les autres. J’avoue qu’il serait fort difficile de faire un choix s’il y en avait un. Mais ce n’est pas le cas. Quelque part, la clé d’un futur m’attend, Hundra : l’espoir d’un avenir paisible et serein, mais aussi le visage de ma propre mort, peut-être. Je n’ai plus le choix, je ne peux plus reculer, d’ailleurs, je ne l’ai jamais eu.

« Approche Nelhya…»

Tout au fond de l’immense tente aux couleurs pourpres, et au milieu des volutes de fumée qu’alimentent des braseros aux feux bleutés, une silhouette encapuchonnée se tient face à moi, bras tendus.

« Approche Nelhya, répete-t-elle. »

Je reconnaîtrais cette voix entre mille. Rocailleuse et puissante à la fois, un timbre qui vous saisit les tripes et les remue au plus profond de vous. La prêtresse, la grande prêtresse se tient là, devant moi, bras toujours tendus sous sa cape gigantesque, immense ptérodactyle à l’envergure impressionnante, prête à attraper dans ses serres acérées la minuscule proie paralysée à ses pieds : moi.

« Le moment est enfin venu Nelhya. Nous déposons dans tes mains l’ espoir de vie dans un futur paisible et harmonieux. Tu détiens la clé de notre victoire sur le mal absolu . Tu es le grimoire vivant, la mémoire enfouie du passé et la lueur de demain. Telle l’uranie, de tes ailes tu déploieras la paix et la sérénité. Il va te falloir à présent faire face à notre destinée, une destinée qui t’es étrangère mais dont tu détiens la clé, un étrange amalgame de notre futur et de ton présent, une alchimie fragile mais dont le résultat sera dévastateur pour Vagor….

Si tu réussis…. »

Elle me dévisage. Son regard aux éclats des cristaux me transperce de part en part l’espace de quelques instants, mais un regard chargé de reconnaissance et d’une confiance absolues.

« Hundra t’attend Nelhya..

  • Quoi, et c’est tout ? Et quoi encore?
  • La vie ou la mort.
  • Ce n’est pas ce que je demande grande prêtresse. Il va se passer quoi ? A quoi je dois m’attendre une fois que je serai avec Hundra ? J’ai besoin de savoir !
  • Je te l’ai dit. Si tu réussis, tu vivras, si tu échoues, tu mourras.
  • Tu ne rends pas ma tâche aisée grande prêtresse..
  • Toi non plus Nelhya. Je ne puis malheureusement te narrer des faits que je n’ai jamais vécus moi-même. Seules celles qui t’ont précédée auraient pu répondre, mais elles ne sont plus là pour le faire.
  • Donc,à un détail près, je navigue dans l’inconnu.
  • Ce qui est un détail pour toi, est notre essentiel à nous Nelhya. Aime Hundra et sauve nous. Accomplis la prophétie.»

A ces mots, la prêtresse s’efface telle l’ombre de la nuit disparaissant aux premières lueurs du jour et me laisse humblement la dépasser alors que j’arrive devant deux cristaux énormes, gigantesques. Ils sont si hauts que leur sommet est caché par les nimbes violacées de l’immense grotte. Tout prend tout d’un coup des airs démesurés. Le poids de mon immense responsabilité, certainement, mais aussi, peut-être, celui de mes craintes et de mes doutes.

Au fur et à mesure que je m’avance pour les franchir, les cristaux prennent peu à peu une teinte plus sombre, d’abord à leur base, puis progressivement vers le haut passant du parme au violet améthyste. Au même instant, je devine en chacun, un espèce de bouillonnement qui s’amplifie à chacun de mes pas. Les nimbes de la grotte entrent en symbiose avec les cristaux et se mettent à virevolter d’abord anarchiquement puis méthodiquement en deux cercles parfaits juste au dessus de leur pointe. Steven Spielberg aurait trouvé ici une bonne source d’inspiration pour un de ces films dont lui seul avait le secret.

Des vibrations de plus en plus perceptibles se mêlent à la danse des cristaux et des nuages, la nature joue les caméléons et se marie à la couleur des quartz géants. Une légère brise venue de nulle part vient caresser mon visage et enveloppe mon corps d’un immense bien être . J’avance.

D’un pas sûr qui mène je ne sais où, ni vers quoi, j’avance. Et puis je l’aperçois au loin, baignant dans un halo de lumière d’une clarté incroyablement puissante mais indolore pour mes yeux. Je la compare immédiatement à un être de lumière surgi du plus profond des ténèbres, subtile créature astrale au corps éthérique à la beauté irréelle.

Hundra, rayonnante, superbe, magnifique, pur diamant noir, plantureuse créature à la plastique parfaite se tient devant moi. Elle m’attend. Peut être depuis des heures mais sur son visage angélique, un sourire à désarmer le dernier des misogynes. Je fonds littéralement devant cette beauté à l’état pur. J’avance.

Des cristaux géants bouillonnants s’échappe une lueur surréaliste. La voûte de la grotte devient comme par magie totalement transparente et laisse entrevoir l’immensité de l’espace au dessus de nos têtes. Les 3 soleils sont parfaitement alignés tels trois généraux devant leur cortège de planètes mais là-haut, le décor semble s’être figé, comme retenant son souffle, dans l’attente d’un événement exceptionnel imminent.

 

A peine la limite des gros cristaux franchie, une chaleur bienfaitrice envahit soudainement mon corps, je me sens subitement légère, comme si l’apesanteur n’avait plus emprise sur moi. Je flotte. Ou plutôt, je lévite et me dirige insensiblement vers une Hundra dont le visage s’est refermé, au faciès grave mais ampli de douceur.

Elle est entièrement nue sous un voile du tulle translucide cintré à sa magnifique taille par un cordon de lumière. D’un catogan blanc éclatant s’échappent des mèches de cheveux blonds qui se mettent à danser avec le vent et les éléments. D’un bras amical qu’elle me tend, Hundra m’invite à la rejoindre alors qu’elle se met à léviter à son tour. A peine ses pieds ont-ils quitté terre que le sol lui aussi épouse le rythme des cristaux avant d’en prendre la couleur. Sous nos pieds, je décèle une présence, unique. La grande prêtresse, stoïque, insensible à ce qui se passe autour d’elle, observe sans ciller. Etrangement, au fur et à mesure que je m’approche de Hundra, je ressens tout ce que la grande prêtresse ressent et inversement. Je sens que rien n’a jamais été pareil jusqu’à maintenant, que rien ne s’est présenté sous le même aspect, la nature, les cristaux, le rayonnement exceptionnel de Hundra, les vibrations. La Shahakrambuntaa sait déjà que le combat est gagné et je sais que j’accomplirai le rite. Elle sait que j’ai sauvé son futur et je sais que j’ai sauvé ma vie.

J’ai à présent l’impression que mon corps et mes pensées m’échappent peu à peu . Le processus s’est inversé. Si, à chacun de mes voyages dans le temps je me glisse dans la peau d’une autre, il n’en est absolument rien cette fois-ci. Je deviens le réceptacle de la grande prêtresse. Quantum, quel tour m’as-tu encore joué  ? Pourquoi ne pas m’avoir directement incarnée dans le corps de la prêtresse ? Est-ce parce que je ne pouvais tenir son rôle et celui de l’élue à la fois ? Il est vrai, je ne pouvais pas me juger à mon arrivée et me condamner à accomplir le rite..Je ne pouvais tenir les deux rôles à la fois et pourtant…

Pourtant, quelque chose d’extraordinaire se produit. Une immense énergie plasmique est en train d’envahir tout mon être, s’insinue jusque dans la plus petite particule de mon corps. Instinctivement, mes yeux se portent sur la grande prêtresse dont l’entité est devenue une pure source de lumière irradiant jusqu’en moi. Elle prend peu à peu possession de mon corps, insensiblement, dans une infinie douceur et une chaleur bienfaitrice. Et plus j’approche de Hundra, et plus j’en tombe amoureuse alors que je n’éprouvais jusque là qu’un simple désir charnel. Alors que l’énergie de la Shahakrambunta m’investit toute entière, mon corps transi d’amour entre dans un état que même les mots ne peuvent décrire. Ces sentiments et cette envie qui m’assaillent me transfigurent totalement, dépassent le temps et l’espace, dépassent l’entendement tout court. Je n’ai jamais ressenti une telle force de sentiments, une telle envie d’un être à s’investir aussi loin et aussi fort. Je sais la hauteur de l’amour que porte la prêtresse à Hundra. J’ai compris.La Shahakrambuntaa se servira de mon expérience pour faire l’amour à Hundra et je me servirai de ses propres sentiments pour mieux l’aimer encore.

Me voilà à présent totalement investie par l’âme de la grande prêtresse. Le bouillonnement des cristaux les a rendus translucides et j’aperçois l’ébullition intense qui les anime. Les vibrations s’accélèrent et la nature, tout l’environnement suit la cadence. Je me rapproche de Hundra dont le rayonnement s’est encore intensifié. Je ne pensais pas si bien dire quand je l’ai comparée à un être de lumière.Au dessus de nos têtes, la noria des soleils et de leurs planètes respectives a repris sa course avant de se ranger dans un alignement parfait. Un tableau indescriptible s’offre à mes yeux émerveillés, j’ai l’impression d’assister à la naissance de l’univers. Les étoiles brillent de mille feux, les galaxies étincellent, les constellations et les nébuleuses se sont parées de leurs plus belles couleurs et des milliers de minuscules astéroïdes se désintègrent en approchant, formant le ballet féerique d’un feu d’artifice gigantesque.

J’arrive/nous arrivons à ses côtés et mes bras/nos bras se tendent vers Hundra, ne demandant qu’à étreindre cette merveilleuse créature. Nos mains s’unissent, nos doigts se scellent et nos regards se croisent. Nos énergies plasmiques se mélangent, nos corps se rapprochent avant de se toucher dans une tendresse infinie. Nous nous unissons dans nos corps, nos esprits et nos âmes. Nos regards ne se sont pas quittés, insensiblement, nos lèvres se sont rapprochées. Je ne peux exprimer ce que je ressens à cet instant précis. Quelque chose qui dépasse tout ce que j’ai connu et même au delà encore.Ses bras enserrent ma taille, les miens son cou gracile, nous nous étreignons d’avantage et notre baiser se fait plus profond, nos langues se cherchent et se trouvent avant de se livrer bataille. Je sens déjà une chaleur montante, un bouillonnement progressif qui, je le remarque très vite se marie à celui des cristaux géants. Je devine que notre union est en osmose avec tout ce qui nous entoure, les quartz, la nature, le temps, l’espace, l’univers tout entier. Nous formons un tout, devenons le produit d’une concentration d’énergie phénoménale qui ne demande qu’à exploser. Je sens contre le mien, son corps immense, félin et gracieux. Je me sens soudain comme enveloppée par les ailes d’un ange protecteur. Nos sentiments nous entraînent très vite dans un tourbillon de volupté très dense alors que nous continuons notre ascension dans les airs. Nos mains explorent nos corps sans répit, ne laissant aucune parcelle sans sa part de caresse, sans sa part de tendresse.J’ai envie de plonger mon visage dans le cou de Hundra et aussitôt en ai-je émis le désir que je me vois déjà le dévorer alors que je suis toujours en train d’embrasser ses lèvres pulpeuses. Il me faut quelques secondes pour comprendre que je suis en train de vivre dans plusieurs dimensions à la fois, que le temps et l’espace se multiplient à l’infini et à volonté, gravé à jamais dans l’histoire de la vie.

Que de chemin parcouru depuis mon arrivée sur ce caillou hostile et cruel ! Ce que je vis est absolument merveilleux . Alors que je fais découvrir les plaisirs charnels à Hundra, c’est moi qui, en fin de compte suis en train de vivre des instants uniques et exceptionnels qui nécessitent qu’il faudrait des siècles, voire des millénaires à étudier et à comprendre.

 

Puisque je suis sensée emmener cette sculpturale créature au bout du plaisir, je me décide à employer tous les moyens connus pour y parvenir. J’embrasse sa bouche, son cou et puis soudainement, je me surprends à vouloir goûter à ses seins. Je me souviens de ce que m’a dit tantôt une de mes accompagnatrices alors que j’étais à la recherche de nourriture pour mon estomac affamé : « Il suffit de vouloir pour que cela soit….La magie des cristaux.. » Tout vit en symbiose, en osmose parfaite. Chaque élément est à sa place, et à chaque place se trouve son élément. Tout est étroitement imbriqué, tout est un immense engrenage universel dans lequel le pouvoir de la pensée est maître.

Je pense et puis soudain, ses seins, magnifiques obus noirs, superbement dessinés et fermes occupent l’espace de chacune de mes mains. Je me mets à découvrir leur texture douce alors que dans chacune des autres dimensions, elles investissent différentes parcelles de son corps avec une lenteur calculée. Le goût de ses lèvres, indéfinissable est un plaisir de chaque instant, c’est pourquoi ma bouche refuse de s’en séparer. Ses seins sont si doux, si parfaits que je m’attarde savamment sur chacun d’eux, appréciant leur forme, leur grain de leur peau satinée, dans la paume de mes mains d’abord, puis progressivement, en faisant rouler leur pointe entre mes doigts.

Je m’imagine alors un instant que je savoure à pleine bouche ses délicieux fruits et aussitôt après je m’en délecte réellement. Mes lèvres embrassent tendrement ses pointes durcies et fières avant de les pincer progressivement avec, alternant avec ma langue gourmande qui les investit en même temps.

 

Ma bouche s’attarde sur ses lèvres, mordille le lobe de ses oreilles, ma langue trace des sillons humides dans son cou et la vallée de ses seins, embrasse sa nuque, sa délicieuse poitrine, son nombril, sa merveilleuse chute de reins alors qu’un autre moi vient embrasser son bas ventre, un autre son pubis, un autre encore son sexe. Je place ma douzaine de mains aux endroits stratégiques, œuvre avec le plus grand soin et toujours avec une infinie douceur. Mes doigts démultipliés jouent simultanément sur son pubis, son bouton intime et s’immiscent en elle, ou impriment un va et vient de plus en plus dense et profond. Une autre Nelhya goûte son fruit défendu avant d’en savourer chaque goutte de plaisir… Et je me rends compte que les caresses prodiguées à Hundra se reproduisent sur mon propre corps. Le halo de lumière qui nous entoure s’intensifie au fur et à mesure que notre plaisir s’accentue. Ce sont à présent des dizaines de mains et de bouches qui investissent le corps tout entier de Nelhya, la noyant de caresses et de baisers sensuels et interminables. Des râles font place aux gémissements, des corps ondulent à l’unisson, et soudain, toutes les dimensions se referment en une seule au moment où une vague de plaisir incommensurable envahit notre être dans une explosion d’énergie incroyable. Au même instant notre halo astral prend des proportions astronomiques, englobant la planète entière, le système solaire, puis l’espace connu avant de disparaître totalement, sans un bruit, sans un souffle.

Disparus les cristaux géants, disparue l’immense grotte, disparue la planète, disparues Hundra et la grande prêtresse. Je me retrouve seule, à flotter dans le silence et la froide nuit de l’espace infini tel un corps à la dérive. Je suis nue et pourtant je vis, je respire. Ai-je révé ? Suis-je entrée sans m’en rendre compte dans un nouveau vortex temporel ? Si tel est le cas, pourquoi est-ce que je ne souffre pas ?

 

Non, je n’ai pas quitté l’endroit où je me trouvais quelques minutes auparavant. Je sens qu’il y a encore ici quelque chose à voir ou à comprendre. Mes yeux scrutent alors le vide glacial comme pour chercher une réponse. Et c’est alors que je vois. Mon cerveau imprime les données qui se présentent à lui et analyse à la vitesse fulgurante d’un micro-processeur.

Je viens d’assister à la naissance d’une nouvelle constellation. A y regarder de plus près, elle m’est fort familière. Deux étoiles entre toutes, Castor et Pollux brillent de mille feux à mes yeux incrédules. Je viens de créer, je suis, je ne sais comment l’interpréter, la constellation du Gémeau ! Pure folie, comment puis-je être à l’origine d’une constellation qui a vu le jour il y a des milliard d’années ?! Pourtant, elle est bien là l’étoile double, entourée par la constellation du Cocher, le Petit Chien le Lynx et la Licorne. Située à presque cinquante année lumière de la Terre, comment cette galaxie se retrouve-t-elle dans un coin de l’espace où elle était inexistante ? Trop de questions, pas assez de réponses. Ce n’est pas une constellation qui vient de naître sous mes yeux, mais un univers en entier. Je reconnais Orion, la voie lactée où se trouve le système solaire d’où je viens, Andromède et Cassiopée. Mon intervention a simplement remplacé par un univers par un autre, où la vie ne demande qu’à commencer. Je pensais que Quantum m’avait envoyée dans le futur mais je me suis retrouvée propulsée dans le passé… pour assurer mon propre futur, en permettant à la matière de remporter sa lutte contre l’antimatière.

 

Il me faudra simplement convaincre les scientifiques que les noms de légende donnés à ces deux étoiles qui caractérisent la constellation du Gémeau doivent s’appeler en fait Hundra et Shahakrambuntaa.

 

 

– FIN- 

 


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